En l’espace de cinq ans, le nombre d’abonnés à la téléphonie mobile sur le contient africain a bondi de 54 millions à près de 350 millions, soit une augmentation de 550 %. Cette formidable hausse bénéficie aux différents opérateurs de téléphonie implantés en Afrique mais pas seulement…
Les Etats africains, en accordant de nouvelles licences, en renégociant les plus anciennes ou en privatisant les opérateurs nationaux, s’octroient de confortables revenus. Ces opérations économiques sont l’occasion également pour nombre d’opérateurs régionaux d’étendre leurs positions et de concurrencer un peu plus les géants internationaux du secteur.
Dopés par la croissance du secteur, les Etats négocient l’attribution des licences de téléphonie mobile au prix fort
Le 16 octobre dernier, le Ghana a annoncé son intention de renégocier l’acquisition de 70 % de Ghana Telecom par le britannique Vodafone. Pour les autorités du pays, le montant de 900 millions de dollars versé en août dernier pour ce rachat par Vodafone « n’est pas suffisant ». À l’image du Ghana, la manne financière issue des télécoms est importante et surtout inespérée pour des États africains aux budgets fragiles. Ces derniers essaient ainsi de tirer parti au maximum de la privatisation des opérateurs publics ou des attributions de licences de téléphonie mobile. Du coup, les prix de ces « sésames téléphoniques » ont, jusqu’en 2008, littéralement explosé, au point d’atteindre des niveaux records. Ainsi, l’opérateur d’origine soudanaise Sudatel acceptait, fin 2007, de payer 200 millions de dollars pour une licence globale au Sénégal.
Privatisation des opérateurs publics: une manne financière pour les Etats africains
Comme l’octroi de licences, les privatisations d’opérateurs publics permettent d’enrichir les caisses des Etats. L’Etat malien a empoché la somme de 275 millions d’euros lors de la cession de 51% du capital de sa société Sotelma à Maroc Telecom. En 2006, la Tunisie avait vendu 35% de la Tunisie Telecom pour 2, 25 milliards de dollars.
Les États qui sont restés actionnaires minoritaires dans les opérateurs publics bénéficient de surcroît du versement de dividendes confortables liés à des activités extrêmement rentables. Les taxes prélevées par l’État sur les appels mais aussi sur les bénéfices des opérateurs alimentent également les budgets nationaux. Etant donné que le secteur de la téléphonie mobile ne bénéficie pas des exemptions massives dont jouissent les opérateurs miniers ou pétroliers pendant leurs premières années d’activité, il reste un gros pourvoyeur de deniers publics.
Les opérateurs régionaux privés profitent de ce contexte de privatisation et de renégociation de licence pour étendre leurs parts de marché dans un secteur encore dominé par les géants internationaux.
Privatisation des sociétés nationales: des affaires convoitées par les opérateurs privés
Avec la crise économique, le moment est encore opportun pour s’emparer d’opérateurs publics sous-capitalisés et nombreux sont les opérateurs qui sont à l’affût de licences ou de rachat d’opérateurs nationaux. Ainsi, après le Burkina, la Mauritanie et le Gabon, Maroc Telecom a a étendu sa présence au Mali, en s’octroyant récemment l’opérateur public malien Sotelma.
La marque d’Atlantique Telecom (groupe Etisalat), s’est aussi étendue ces dernières années dans six pays (Togo, Bénin, Niger, République centrafricaine, Côte d’Ivoire et Gabon). Tigo, filiale de Millicom, a fait de même pour être présent au Sénégal, en Tanzanie, en Sierra Leone, au Tchad.
De nouveaux acteurs, comme Sudatel, Warid Telecom ou Lap Green Network, soutenus par des fonds du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, se greffent aujourd’hui à ce grand mouvement d’acquisitions. L’opérateur soudanais Sudatel a commencé à se répandre sur le continent en s’emparant de Kasapa au Ghana, Chinguitel en Mauritanie, et en lançant son réseau Expresso au Sénégal. Warid Telecom opère déjà au Congo-Brazzaville, en Ouganda et en Côte d’Ivoire. Lap Green, quant à lui, avance par petites acquisitions, notamment en Côte d’Ivoire et au Rwanda.
Notons que ces stratégies d’expansion provoquent néanmoins un certain déséquilibre géographique du secteur. elles contribuent à l’émergence d’un nombre démesuré d’opérateurs dans certains petits pays. Cela favorisera sans nul doute un mouvement de consolidation du secteur. Une chose est certaine: le paysage africain de la téléphonie mobile n’est pas près de se figer.